L’importance du père
Édouard vient tout juste de voir son premier enfant naître. Il est dans un état second… c’est sûr que les longues heures à soutenir sa conjointe durant l’accouchement et le manque de sommeil contribuent à son état, mais c’est surtout le bonheur d’être un nouveau papa qui le rend si euphorique! Il est heureux de vivre à une époque où s’impliquer dans les soins et l’éducation d’un enfant est de plus en plus valorisé chez les pères. Il a tout organisé avec son employeur et le Régime québécois d’assurance parentale (RQAP) : il prendra les semaines de congé de paternité auxquelles il a droit. Bien sûr, c’est sa conjointe qui a porté l’enfant, qui l’allaite et qui prend un congé d’un an… cela lui donne une petite une longueur d’avance dans son lien d’attachement avec l’enfant. Mais maintenant que ce dernier est né et qu’Édouard peut le prendre dans ses bras, il ne veut pas perdre une minute du temps dont il dispose pour faire connaissance avec ce petit être, pour le voir grandir et évoluer. Après tout un enfant, ça se fait à deux, et un père, c’est aussi important qu’une mère!
Le rôle des pères a énormément évolué au cours des dernières années, des dernières décennies. La majorité des pères d’aujourd’hui sont plus engagés auprès de leurs enfants, si on les compare à leurs propres pères. Cette évolution est attribuable, en partie, à la présence des femmes sur le marché du travail et à l’augmentation des taux de séparation et de divorce.
En effet, ces changements de société ont amené un partage moins traditionnel des rôles et des responsabilités dans un couple. Ainsi, il n’est pas rare aujourd’hui de voir un papa qui est impliqué au plan affectif, de l’éducation, des soins et des jeux avec son enfant. Cela crée un immense contraste avec l’image du père pourvoyeur que l’on peut avoir en tête lorsque l’on songe aux générations précédentes.
Parce que cette évolution du rôle du père est relativement récente, on a longtemps entendu parler de l’attachement mère-enfant, sans entendre parler de l’attachement père-enfant. En fait, le rôle parental du père a longtemps été ignoré par les scientifiques, les politiciens et les médias. Cela a pu contribuer à maintenir une impression chez les gens que toutes les mères ont un don naturel pour s’occuper d’un enfant, alors que les pères sont plutôt maladroits. Erreur !
Les mamans n’ont pas la « science infuse » par rapport aux soins à prodiguer à un enfant. Elles apprennent souvent par essai et erreur, par intuition, en lisant, en parlant à d’autres mères et en observant les réactions de leur bébé. Bien sûr, la grossesse, la naissance et l’allaitement leur donnent une longueur d’avance au niveau du processus d’attachement avec l’enfant. Cette longueur d’avance peut donner l’impression aux pères que s’occuper d’un bébé est une affaire de femmes et ils peuvent ainsi douter de leurs compétences à prodiguer des soins à leurs poupons. Si ce doute les amène à éviter de s’occuper de l’enfant, il retardera le développement du lien d’attachement… parce que c’est en étant présent pour l’enfant et en répondant à ses besoins que le lien d’attachement se développe. Voyez-vous le cercle vicieux qui peut rapidement s’installer : moins je me sens compétent, plus j’évite… Plus j’évite, moins je me sens compétent… Plus j’évite, plus la mère assume les responsabilités, plus je me désengage…
Plusieurs études réalisées dans les 20 dernières années ont permis de découvrir que les hommes qui ont réussi à établir rapidement un lien d’attachement avec leurs enfants ont passé beaucoup de temps avec eux, particulièrement entre les âges de trois à six mois. Ainsi, même si ce lien se développe plus graduellement que celui entre la mère et l’enfant, il est possible de le créer, ce qui est souhaitable pour toute la famille. En effet, ce sentiment d’attachement est non seulement sécurisant pour le bébé… il est valorisant pour le père qui développe et découvre sa compétence parentale, et il est rassurant pour la mère, qui réalise qu’elle ne sera pas seule à accomplir toutes les tâches liées aux soins à donner à Bébé.
Bien qu’il soit important que les deux parents soient impliqués dans les soins et l’éducation de l’enfant, chacun peut découvrir qu’il a des champs particuliers de compétences. De façon générale, les études démontrent qu’il y plus de ressemblances que de différences entre les attitudes parentales des pères et des mères. Par contre, lorsque l’on se concentre sur les différences, on remarque, entre autres, que les mères interagissent davantage avec leur enfant dans un contexte de soins, tandis que les pères interagissent plutôt dans un contexte de jeu, particulièrement le jeu physique. Lorsque l’on observe les échanges verbaux entre les parents et l’enfant, on remarque que les mères ont tendance à répéter, à poser des questions et à expliquer. Les pères, de leur côté, sont plus orientés vers l’action que vers les verbalisations, et sont plus directifs que les mères dans leurs échanges verbaux avec l’enfant. Autrement dit, les mères discutent et proposent des choix à l’enfant, tandis que les pères agissent plus qu’ils ne discutent, et lorsqu’ils parlent à l’enfant, c’est souvent en lui donnant une consigne claire.
Bien d’autres différences entre les pères et les mères ont dû être observées dans la documentation scientifique, et vous en avez probablement d’autres en tête lorsque vous pensez à votre propre situation… L’important, c’est de comprendre que ces différences peuvent être complémentaires plutôt qu’en opposition l’une avec l’autre. Si chaque parent s’appuie sur les forces de l’autre parent plutôt que de voir les différences entre eux comme des sujets à conflits, l’enfant y trouvera un équilibre. De plus, ces différences sont la preuve que chaque parent a des choses uniques à apporter à son enfant, des choses que l’autre parent ne peut lui donner.
C’est la raison pour laquelle on n’est pas trop de deux pour élever un enfant, et c’est pourquoi la présence d’un père impliqué est si importante…
Bonne fête des Pères !