Les adieux interminables devant la garderie

 

La scène est classique pour les éducatrices : au cours des premiers jours où Valérie vient reconduire sa petite Mathilde à la garderie, elle est émue de la confier à quelqu’un d’autre. La bambine, qui perçoit son émotivité, se met à pleurer. Les pleurs de Mathilde font augmenter davantage l’anxiété et le sentiment de culpabilité de Valérie, qui n’ose pas la quitter alors qu’elle est en pleine crise de larmes. Elle reste donc encore quelques minutes pour la consoler, ce qui confirme indirectement à l’enfant que sa mère n’est pas à l’aise de la laisser à cet endroit. Cela l’insécurise encore plus…

Voyez-vous le cercle vicieux qui s’installe? Dans certains cas, les parents peuvent même se mettre à croire (à tort) que si l’enfant pleure ainsi, c’est parce qu’il n’aime pas la garderie ou l’éducatrice, et qu’il ne s’y sent pas en sécurité!

Certaines éducatrices me disent qu’après quelques années d’expérience avec ce phénomène, elles n’hésitent plus à demander aux parents qui ont cette tendance aux adieux interminables de quitter le plus rapidement possible, même si l’enfant pleure. Elles souhaitent leur éviter de tomber dans le piège de cette détresse parent-enfant qui se nourrit d’elle-même! Elles tentent de les rassurer en leur expliquant qu’après leur départ de la garderie, l’enfant ne met habituellement que quelques minutes à se calmer et à accepter ensuite de jouer avec ses amis. C’est justement le fait de ne plus avoir un parent anxieux autour de lui qui l’aide à s’apaiser et à s’orienter vers le jeu.

D’autres éducatrices ne sont pas à l’aise d’interrompre ce rituel d’adieux prolongés entre un parent et son bambin… elles laissent donc une période d’adaptation à ces derniers afin qu’ils apprivoisent graduellement la séparation du matin. Toutefois, ces éducatrices avouent qu’habituellement, ces longues séances de pleurs, de bisous et de câlins leur demandent beaucoup d’énergie, car elles désorganisent l’horaire de la matinée et parfois même le comportement des autres enfants.

Souvent, je recommande aux éducatrices de filmer l’enfant en détresse durant les minutes qui suivent le départ de son parent, afin de prouver à ce dernier que son bout de chou redevient rapidement calme et enjoué lorsqu’il est parti. Il s’agit d’une bonne façon de rassurer le parent, de diminuer ses inquiétudes, et par le fait même, de sécuriser l’enfant. Cela a pour effet de renverser le cercle vicieux qui aurait pu s’installer, et de le rendre positif : le parent devient confiant et l’enfant aussi!

Évidemment, il existe des cas réels d’enfants qui souffrent d’anxiété de séparation et qui demeurent en détresse et repliés sur eux-mêmes toute la journée, malgré tous les efforts déployés par l’éducatrice pour les rassurer. Mais ces cas sont plus rares que les cas de « fausse » insécurité décrits plus haut. Habituellement, ces enfants et leurs parents ont besoin de consulter afin de mieux gérer cette anxiété. Il leur sera souvent suggéré de faire une intégration graduelle à la garderie, lorsque l’horaire des parents le permet.

Malheureusement, il existe aussi des situations où le bambin ne voudra pas que son papa ou sa maman le quitte, parce le milieu de la garderie est réellement insécurisant : instabilité dans la routine, agressivité mal gérée entre les amis, stimulation insuffisante, mauvais traitements… Évidemment, les parents doivent demeurer vigilants et s’abstenir de confier leur tout-petit à une personne en qui ils n’ont pas confiance. Si l’éducatrice refuse de répondre aux questions des parents inquiets, de fournir des indices démontrant que l’enfant se calme rapidement dans la matinée, cela peut être un signe qu’il y a quelque chose qui cloche…

Heureusement, ces situations sont rares, et la plupart des personnes qui choisissent de faire carrière dans les milieux de garde adorent les enfants et souhaitent leur bien-être. Ce sont des personnes dévouées qui feront tout pour qu’un enfant et son parent se sentent rapidement à l’aise dans leur environnement. De plus, tous les CPE et les garderies en milieu familial accréditées par les CPE doivent se soumettre à des normes rigoureuses sur les plans de la sécurité, de la qualité des soins et du programme éducatif offerts aux tout-petits.

Chers parents, ne croyez surtout pas que je suis insensible à vos inquiétudes et à l’émotivité que vous pouvez ressentir les premières fois que vous laissez votre petit paquet d’amour à la garderie. En tant que maman qui a achevé son congé de maternité, il y a déjà quelques années, c’est exactement ce que je vivais à cette époque! Mais tentez de vous raisonner en vous disant que votre enfant doit pouvoir foncer dans la vie, acquérir de l’autonomie et socialiser avec des amis, sans que votre trop-plein d’émotion fasse obstacle à cette belle évolution! Si vous avez pris le temps de bien choisir le milieu de garde de votre enfant, en prenant soin de rencontrer l’éducatrice et de lui poser vos questions et que malgré tout, vous sentez votre gorge se serrer et les larmes vous monter aux yeux au moment de quitter votre enfant… fuyez dans votre voiture! Ensuite, sur le chemin du travail, prenez le temps de pleurer doucement en vous disant fièrement que votre enfant devient grand! Confiez vos émotions à vos collègues, à vos amis, à votre mère ou à votre conjoint(e)… mais tentez de ne pas les laisser trop paraître aux yeux de fiston ou fillette. Cela lui permettra de vivre ses premiers jours de garderie dans le plaisir de se faire de nouveaux amis, plutôt que dans la détresse de vous avoir vu dans tous vos états!

 

 

 

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