Je ne t’aime plus… t’es plus ma Maman!

 

Julie reçoit Mélanie, sa meilleure amie, à la maison. Cinq minutes avant le dîner, Lydia, sa fille de trois ans, lui demande un biscuit au chocolat. Julie refuse, en lui expliquant gentiment qu’elle pourra en manger un après le repas, au dessert. Rouge de colère, Lydia crie : « T’es pas fine, je te déteste, tu n’es plus ma mère… je m’en vais dans une autre famille ! » Le cœur de Julie se serre, et des larmes coulent sur ses joues. Il faut préciser qu’elle vient de vivre une séparation, après avoir réalisé que son conjoint la trompait… son estime de soi est à son plus bas niveau, et elle ne supporte pas de sentir que sa fille (la seule chose qui lui reste, selon elle) la rejette ainsi. Résignée, elle s’apprête à aller lui chercher le fameux biscuit, mais Mélanie s’empresse de la retenir par le bras et de lui dire : « Je t’en supplie, fais-moi confiance, ne cède pas à ce petit chantage émotif et attendons de voir ce qu’elle va faire ». Julie lance un regard rempli de doute à son amie, pour ensuite répéter à sa fille qu’elle n’aura pas de biscuit. Comme Mélanie l’anticipait, Lydia se met à pleurer et à faire une crise. Elle va même dans sa chambre pour préparer son baluchon, et ensuite sortir de la maison! En voyant cela, Julie panique, mais constate un instant plus tard que Lydia ne va nulle part. Elle s’assoit sur le balcon en boudant, ne sachant où trouver une autre famille! Au bout de trois minutes, elle rentre en demandant à sa mère ce qu’il y a au menu pour le dîner, comme si de rien n’était ! Inutile de dire que Mélanie est fière d’avoir suggéré à son amie de maintenir sa limite et d’ignorer la crise de Lydia!

Évidemment, dans cet exemple, Lydia ne savait plus quoi faire une fois qu’elle avait mis le pied sur le balcon! À trois ans, on n’est pas vraiment assez débrouillard pour faire une fugue! La période de trois minutes qu’elle a attendue dehors correspond environ au temps qu’aurait duré un retrait dans un coin, sur une chaise ou dans sa chambre, si Julie avait utilisé cette technique. En fait, ce qui s’est produit, c’est que Lydia s’est aperçue que sa crise et ses menaces ne lui apportaient pas ce qu’elle désirait. Ensuite, sa colère a diminué, puis elle a eu envie de passer à autre chose. Les enfants sont comme ça… Ils disent parfois des énormités et font des menaces, sans vraiment avoir conscience de la portée de leurs paroles. Après, ils oublient rapidement, puisqu’ils ont cette capacité de vivre le moment présent (même si cela représente un inconvénient de ne pas pouvoir penser à long terme, comme pour Lydia qui n’a pas évalué qu’elle ne connaissait pas de famille adoptive près de chez elle!). C’est exactement la même chose qui se produit lorsque deux enfants entrent en conflit et qu’ils se disent « je te déteste, tu n’es plus mon ami ». Qu’arrive-t-il habituellement cinq minutes plus tard? Ils jouent ensemble!

Plusieurs parents au cœur sensible sont bouleversés quand ils entendent leur progéniture leur dire qu’elle ne les aime plus. C’est encore pire si le parent est dans un moment de sa vie où il se sent plus vulnérable psychologiquement, lorsqu’il vient de vivre une épreuve qui affecte son estime de soi, comme une séparation ou une perte d’emploi, par exemple. Dans ce cas, il est plus à risque de se laisser « manipuler » par les paroles de son enfant. Remarquez que j’ai mis le mot « manipuler » entre guillemets, et ce n’est pas juste pour faire joli! Un bambin ne dit pas ces paroles vraiment pour manipuler les gens de son entourage. Il les dit parce qu’il ne sait pas comment verbaliser sa frustration autrement. C’est au parent de maintenir sa consigne, afin que Fiston ou Fillette apprenne éventuellement où se situent les limites, comment mieux exprimer sa colère et comment mieux la gérer pour revenir au calme plus rapidement.

Cela ne traumatise pas l’enfant… au contraire, des limites claires et constantes sont sécurisantes ! C’est un peu comme lorsque l’on doit attendre à un feu rouge. C’est frustrant, mais pas traumatisant ! En fait, un feu de circulation à une intersection achalandée est sécurisant, car il réduit les risques de collision. Alors, on peut lancer un juron dans sa voiture, mais à la fin de la journée, on ne s’en souviendra même plus!

Pour maintenir des limites claires et constantes malgré les réactions de son enfant, il faut rester calme et savoir soi-même réguler ses émotions. Si l’on devient émotif, c’est comme ajouter de l’huile sur le feu… l’enfant fera encore plus souvent des colères, et elles seront plus intenses.

Donc, face aux paroles parfois méchantes de Fiston ou Fillette, au lieu de se dire : « Ah! Mon Dieu! Mon enfant ne m’aime plus et je ne peux tolérer cela » ! Un parent devrait plutôt se dire : « Tiens, tiens… voilà une occasion de lui montrer où se situent les limites, qu’elles sont constantes, que “non” veut dire “non”, et qu’il peut apprendre à se calmer et à mieux exprimer sa colère ».

Peut-être qu’en 2100, la technologie nous permettra de brancher un décodeur sur nos tout-petits, permettant de comprendre ce dont ils ont réellement besoin lorsqu’ils nous disent des méchancetés ou des menaces… En attendant, un soupçon de jugement, une pincée d’humour, une grande dose de patience et beaucoup d’amour peuvent aider tous les parents à passer au travers cette étape plus ou moins difficile du développement de leur enfant.

Et surtout, chers parents, sachez vous pardonner les quelques fois où vous pourriez flancher malgré ces conseils… Les conseils d’experts sont là pour vous guider, mais le parent parfait n’existe pas ! J’en suis même la preuve vivante!

PS: Pour en savoir sur la discipline positive, vous pouvez consultez mon livre Ah! non, pas une crise, aux Éditions La Presse.

 

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