Permettre à son enfant de dormir avec soi… une fausse bonne idée?

 

Après avoir fait des cauchemars durant trois nuits consécutives, Béatrice, 2 ans et demi, demande à ses parents de pouvoir dormir avec eux, dans leur lit. Au début, ils refusent, car ils ne veulent pas prendre une mauvaise habitude qui pourrait nuire à leur besoin d’intimité de couple ou créer des caprices chez leur fille. Toutefois, chaque fois qu’elle se heurte à leur refus, Béatrice fait une énorme crise, qui dure parfois plus d’une heure. Ces crises crèvent le cœur de ses parents, d’autant plus que Béatrice semble plus insécure qu’en colère. La nuit suivante, elle s’éveille une fois de plus en larmes, et leur explique qu’elle a encore rêvé au gros monstre sous son lit. Sa mère s’apprête à la rassurer tout en lui demandant de retourner dans son lit, mais, à sa grande stupéfaction, son conjoint l’interrompt en disant que Béatrice peut dormir dans leur lit, seulement pour cette nuit. C’est qu’il a une grosse réunion avec un client important demain matin, et il a absolument besoin d’avoir une bonne nuit de sommeil. Cette solution semble convenir à court terme, mais quel en sera le résultat à long terme?

Les parents de nouveaux nés savent qu’aujourd’hui, on recommande souvent d’adopter le « co-dodo » durant les premières semaines, voire les premiers mois de vie de Bébé. Il s’agit en fait de faire dormir l’enfant dans la même chambre que Papa et Maman. Souvent, on fera l’acquisition d’un berceau ou d’un moïse afin d’y installer l’enfant à proximité du lit conjugal. Cette façon de faire sécuriserait le bébé qui ressent ainsi la présence de ses parents, et faciliterait l’allaitement maternel.

Cependant, lorsqu’un enfant d’âge préscolaire ou même plus vieux partage le lit de ses parents, ces derniers parlent souvent de cette situation comme étant problématique. Il va sans dire qu’un bambin dans le lit conjugal limite drôlement l’intimité du couple! De plus, lorsque l’enfant n’est plus un bébé, le co-dodo nuit à son autonomie du sommeil (c.-à-d. : sa capacité à s’endormir seul). En fait, tous les parents souhaitent que leur petit développe son autonomie sur plusieurs plans : s’habiller, communiquer, se déplacer… il devrait en être de même pour sa capacité à s’endormir seul! Lorsque l’enfant ne possède pas cette forme d’autonomie, cela peut éventuellement limiter son développement social, notamment en l’amenant à refuser des invitations à dormir chez des amis, ou à participer à une classe neige, puisque ces situations impliquent de dormir sans ses parents.

Plusieurs motifs peuvent amener des parents à accepter de faire dormir l’enfant avec eux :

  • Épisodes de cauchemars ou de terreurs nocturnes
  • Anxiété de séparation chez l’enfant
  • Anxiété chez l’enfant suite à une situation stressante (déménagement) ou une transition familiale (divorce)
  • Parent monoparental qui souhaite avoir une présence dans son lit
  • Parent anxieux pour son enfant et qui cherche à le surprotéger
  • Éviter les crises nocturnes de l’enfant et ainsi rattraper un manque de sommeil
  • Etc.

À court terme, la solution de faire dormir son enfant avec soi peut avoir pour effet positif de calmer tout le monde et surtout, de permettre à tout le monde de dormir une nuit complète. Toutefois, à long terme, la présence d’un enfant dans le lit conjugal peut devenir gênante pour la santé du couple. De plus, en acceptant de le faire dormir avec soi, on transmet involontairement à l’enfant un ou plusieurs des messages suivants :

  • il a raison d’avoir peur
  • il est dangereux de dormir seul dans sa propre chambre
  • un de ses parents a besoin de lui pour dormir

Il est inutile de dire que les deux premiers points sont faux et que le dernier point demande à l’enfant de « protéger » son parent ou de combler son sentiment de solitude, ce qui fait reposer une bien trop grande responsabilité sur de trop petites épaules.

Si vous avez déjà accepté que votre bambin dorme avec vous, ne paniquez pas à la lecture de cet article! De nombreux enfants dorment temporairement avec leurs parents lors de circonstances exceptionnelles, et acceptent ensuite facilement de recommencer à dormir dans leur propre chambre.

Pour ceux qui refusent de regagner leur chambre lorsque les parents souhaitent retrouver leur intimité, il existe plusieurs solutions.

Selon moi, la plus efficace de ces solutions consiste à développer graduellement une autonomie du sommeil chez l’enfant. Ainsi, on lui demandera de dormir dans sa chambre, afin qu’il se refamiliarise avec cet environnement et qu’il réapprenne à s’y sentir en sécurité. Pour le rassurer les premières fois, on lui offrira de le faire à l’aide de la présence d’un parent. Il y a deux façons d’appliquer cette solution :

  • La chaise : Le parent peut s’asseoir sur une chaise près du lit de l’enfant, et y rester jusqu’à ce qu’il s’endorme. Après quelques soirs, lorsque l’enfant arrive à s’endormir plus rapidement grâce à la présence de son parent, ce dernier peut augmenter graduellement la distance entre le lit et la chaise. Lorsque cette distance équivaut à se placer dans le cadre de la porte, la petite « thérapie » est terminée, puisque l’étape suivante consisterait à placer la chaise à l’extérieur de la chambre… le petit n’a donc plus besoin de la présence de son parent pour s’endormir!
  • Le matelas : La technique de la chaise peut être incomplète lorsque l’enfant n’est pas seulement anxieux au moment de se coucher, mais également lors d’éveils nocturnes. Dans ce cas, un des deux parents peut installer un matelas dans la chambre de l’enfant, près de son lit, pour y passer la nuit. Comme pour la technique de la chaise, plus l’enfant se sent sécurisé, plus on peut éloigner progressivement le matelas du lit.

Presque tous les parents à qui j’ai recommandé cette stratégie ont réussi à faire dormir leur bambin dans son lit… mais le temps requis pour y arriver peut varier d’un enfant à l’autre, selon l’intensité de son anxiété. Le fait de voir leur psychologue régulièrement et de lui parler de l’évolution de la situation aidait les parents à persévérer dans l’application de la technique. Évidemment, les deux parents doivent être à l’aise avec ces solutions. À court terme, elles peuvent sembler ardues et nuire encore plus à l’intimité des parents, puisque la technique du matelas implique littéralement de faire chambre à part! Mais à long terme, le couple pourra retrouver toute son intimité et l’enfant, toute sa confiance en lui.

Certains enfants finiront même par se compter chanceux d’avoir leur propre chambre… surtout si le parent qui les a accompagnés dans leur chambre ronfle!

PS : Pour plus d’informations sur le sommeil des enfants, vous pouvez consulter mon livre Chut! Fais dodo…, publié aux Éditions La Presse.

 

 

 

 

 

 

 

 

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